Jef Van Staeyen

Catégorie : Essais (Page 3 of 8)

Two Solitudes, Hugh MacLennan

Mon séjour à Montréal [en octobre 2018] m’a apporté beaucoup de bonheurs, grands et petits. Parmi ces derniers, le hasard, la sérendipité d’avoir trouvé chez The Word à Milton Street le livre Two Solitudes de Hugh MacLennan. Ce roman connut un grand succès et obtint le Prix du gouverneur général lors de sa sortie en 1945. Il raconte l’histoire d’une famille montréalaise, canadienne française, déchirée entre francophones et anglophones, de 1917 à 1939.

Je donne ici l’appréciation de la Canadian Encyclopedia (extrait):

Despite this success, critics have long debated the merit of his work. Many have endorsed Wilson’s [un critique] early praise; others have argued that the didactic aspect of MacLennan’s fiction forces the stereotyping of characters, the predominance of the authorial voice, and reliance on outdated Victorian techniques of narrative and structure. Still others see Hugh MacLennan as overly ambitious in subject matter; especially in his treatment of French Canada is his lack of firsthand experience an artistic drawback. However, almost all critics have singled out MacLennan’s skill in descriptive writing, whether of episode, action or natural landscape.

Certes, tout ça est vrai, ou presque. Le style est traditionnel (pourquoi pas, d’ailleurs ?) : un auteur omniscient fait évoluer plusieurs personnages dont il connaît les sentiments et les pensées dans un espace et un temps chronologique qu’il maîtrise et décrit. Et dont il connaît l’aboutissement, le livre ayant été publié en 1945 alors que l’histoire s’arrête en 1939, lors de la mobilisation. Ces personnages sont nombreux, et leurs caractères ne sont pas tous aussi développés les uns que les autres (“the stereotyping of characters”).
Effectivement, cela tranche avec le roman psychologique, plus moderne, développé à partir de la fin du 19ème siècle, où l’auteur nous familiarise avec les profondeurs d’âme d’un seul personnage (avec lequel parfois il se confond), et se concentre sur la perception du temps, de l’espace et des personnages secondaires par ce seul personnage principal. Et ça tranche avec les chronologies bouleversées, les ruptures de style, les chocs de perspectives auxquels les productions plus récentes nous ont habitués.
Dans Two Solitudes, les conflits (des idées, des sentiments…) sont donc davantage des conflits entre les personnages que dans les personnages mêmes.
Et, si quelques personnages (francophones ou anglophones, d’ailleurs) manquent de profondeur, ça laisse beaucoup de place pour les autres.
Le contenu est donc très riche.

Hugh MacLennan est aussi, me semble-t-il (mais qui suis-je, lecteur européen du début du 21ème siècles), très fort dans la description du Canada et de ses (différentes) mentalités: la perception de soi, de la « race » à laquelle on appartient, et des autres.

Mais surtout, (surtout !), les descriptions du territoire, des paysages, du climat, du temps et des saisons, et des façons dont les gens y vivent sont superbes, vraiment superbes. Ça vaut la peine (plutôt le plaisir) d’être lu et relu.

Puis, il y avait (pour moi, canadien très occasionnel) aussi du plaisir à entendre (ou lire) certains noms, ou reconnaître certains lieux. Même si un des lieux essentiels du roman, à savoir la paroisse de Saint-Marc, à l’Est de Montréal, est fictif. Fictif mais vrai.
Outre, bien sûr, Sherbrooke Street ou Saint-Catherine Street ou Jacques Cartier Bridge, etc., etc., il y a par exemple Durocher Street (où habite un des personnages), et le Lake Memphremagog (où une autre personnage va peindre, mais doit abandonner à cause des moustiques). Lieux qui me sont connus et/ou que j’ai visités tout récemment.

Enfin, pour ce qui est du contenu, MacLennan décrit excellemment comment les gens se construisent des prisons, des prisons pour les pensées, pour les sentiments et pour les comportements, des prisons pour eux-mêmes comme pour les autres.
Mais c’est là que que la conclusion du livre me déplaît quand-même: si MacLennan voit bien toutes ces prisons, celles de la religion, de la « race », de la famille, de l’image qu’on veut donner, de la respectabilité, etc., il y a d’autres prisons, d’autres formes de soumission qu’il semble ignorer: celle de la mobilisation pour (re)partir à la guerre — qui doit signifier la réconciliation avec le nouveau pays, le Canada, une vision en fin de compte très canadienne-anglaise —, et celle de la femme qui abandonne ses talents (artistiques ou autres), qui va vivre pour ceux de son mari — il écrit un roman — , et dont ce mari rêve de la voir cueillir des roses dans le jardin.

Mais ces quelques réserves finales n’enlèvent rien (ou très peu) à l’intérêt et au plaisir du bouquin.

 

(adaptation d’un message écrit en novembre 2018)

les Pays-Bas français n’existent plus ❧

(version actualisée d’un message du 18 février 2019)

Les Annales des Pays-Bas Français, créées en 1976 par Jozef Deleu, ont cessé d’exister. À partir du mois d’avril 2019, l’association Ons Erfdeel, éditeur de la revue, publiera les articles au sujet du Nord de la France (les Pays-Bas français) et de ses relations avec la Flandre et, plus largement, la néerlandophonie, sur ses sites web www.les-plats-pays.com et www.de-lage-landen.com.

À cette occasion, Ons Erfdeel m’a demandé de décrire l’évolution que cette région, où je vis et travaille depuis maintenant 30 ans, a connue ces 40 dernières années…

L’article a initialement été publié en néerlandais dans la revue Ons Erfdeel (2019-1 — février), et se trouve également, avec l’accord de l’éditeur, sur le versant néerlandais de mon site web: de Franse Nederlanden bestaan niet meer.

(complément d’information)

Et voici une photo de la Grand’place de Lille en 1973, prise par mon père lors de notre visite de Lille et Cassel.

mécrochages aux Beaux-Arts à Lille


réflexions sur Marie-Madeleine

Un Rubens qu’on ne voit pas bien, une statue en bronze qui s’envole, alors que son sujet et sa forme expriment la force de la gravité, et des abus de symétrie dans les intérieurs hollandais, le beau Palais des Beaux-Arts de Lille a quelques faiblesses dans la qualité des accrochages:  mécrochages aux Beaux-Arts à Lille.

* * *

En 2014, quand j’interrogeai la conservatrice en chef au sujet du Rubens — la Descente de Croix — elle prit le temps de me répondre:  “De fait, nous savons que le tableau de Rubens “La descente de croix” n’est pas bien positionné et nous envisageons de lui procurer une nouvelle place afin de permettre une meilleure appréciation de l’œuvre. Cela signifie cependant remanier l’accrochage de cette salle 2 et peut être même de la salle 1, c’est à dire un travail de réflexion complexe. Le projet est donc à l’étude mais en raison du calendrier de nos évènements, dont vous devez avoir connaissance, la mise en oeuvre ne sera pas possible avant plusieurs mois.”

* * *

post-scriptum (18 juillet 2020): un tournant aux Beaux-Arts à Lille

visages du Rouergue — Gérard Vabre photographe

visages_du_rouergue_affiche

Le Moulin de Roupeyrac, à Durenque, en Aveyron (ou Rouergue), est la maison natale de François Fabié, écrivain et poète rouergat, qui vécut de 1846 à 1928. C’est également un musée, lieu d’expositions, d’activités culturelles et de loisirs.
Du 25 juin au 3 septembre 2011, à l’initiative de l’association l’Amitié François Fabié et de son président Jean-François Costes, cette maison a accueilli une petite sélection de photos de Gérard Vabre. Il y raconte son village — Sever — et surtout ses habitants: visages du Rouergue.

De 1977 (il avait alors 23 ans, et étudiait la sociologie à Toulouse) à 2010 (il est urbaniste à Cherbourg), ce sont 39 photos ou groupes de photos que Gérard Vabre présentait dans cette exposition. Prises lors de ses nombreux retours dans son pays, elles montrent son amour des gens, et son émerveillement, qu’il partage avec nous.

Gérard Vabre m’avait demandé de réaliser ensemble le catalogue de l’exposition. Ce me fut un plaisir. Voici son contenu:

Sous les photos d’hier se cachent les images de demain. Les images d’une réconciliation attendue : réconciliation avec la nature, réconciliation avec le travail, réconciliation avec nous-mêmes. L’œil du photographe nous montre l’essentiel. Il voit encore — non : il voit déjà — ce que nous autres, nous n’avons pas perçu. Là est tout l’intérêt de cette exposition. Photographier, c’est voir, et c’est choisir. Parfois, comme ici, c’est l’art de pré-voir l’avenir.

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