Jef Van Staeyen

Étiquette : mobilité (Page 3 of 5)

giratoires

(Niort, janvier 1985)

Le Giratorum Magnum envahit les Deux-Sèvres. Il s’agit d’un stradivore qui, en état larvaire, lorsqu’il saisit les administrations et se propage dans les dossiers, a un aspect assez bénin. Mais une fois développé (on dit “réalisé”), quand il attaque les villes et les villages, il devient un danger public. Il change les rues en carrefours et les carrefours en ronds-ponts. Il fractionne les trottoirs et multiplie les chaussées, laissant ses traces sous forme de flèches et de panneaux.  Le quartier attaqué est perdu. Car le Giratorum Magnum n’a qu’un seul ennemi, plus fort que lui, l’Échangeorum Dénivellatum.
Allez, circulez, il n’y a rien à vivre!


Un exemple frappant de l’attaque du Giratorum Magnum: l’église de Saint-Liguaire (Niort) enveloppée dans un rond-point.
Le Giratorum Magnum a aussi frappé sur le carrefour de l’avenue de Nantes et de la rue de Coulonges. Il prépare un coup sur l’avenue de Paris. Tout ça ne l’empêche pas d’être présent sur tout le département des Deux-Sèvres.

Article publié en janvier 1985 dans la revue La Galipote (sous pseudonyme mal choisi), au sujet d’un phénomène qui n’a cessé de s’aggraver sur tout le territoire national.
La situation montrée sur la photo (Niort, rue du 8 mai 1945) s’est quelque-peu améliorée depuis. La circulation passe toujours de part et d’autre de l’église du 14ème siècle, mais l’aspect “rond-point” de l’aménagement a été atténué par la création d’un jardin lui attenant.

 

analyse architecturale d’un abri pour voyageurs de bus

Voilà un objet quotidien dont nous ignorons les immenses qualités: l’abri pour voyageurs de bus.

L’abri pour voyageurs de bus appartient à une catégorie supérieure d’architecture.
Sa fonction est contradictoire: il doit abriter, mais pas trop, il doit permettre de s’asseoir, mais pas trop confortablement, et il doit informer, mais pas trop bien. Sa forme exprime parfaitement toutes ces contradictions, ainsi que les principes constructifs qui le portent et les conditions de son financement.
Cette forme, enfin, devient signification, car tout un chacun sait que c’est près de l’abri que s’arrête le bus.
Peu de constructions actuelles atteignent ce niveau de plénitude et de perfection architecturales:
forme = fonction = construction = signification.

Lisez ici une analyse architecturale plus complète, une nouvellle contribution dans la série AAA.

éloge de l’écrivain visionnaire

images-POOH

Suddenly Winnie-the-Pooh stopped, and pointed excitedly in front of him. “Look!”
“What?” said Piglet, with a jump. And then, to show that he hadn’t been frightened, he jumped up and down once or twice more in an exercising sort of way.
“The tracks!” said Pooh. “A third animal has joined the other two!”
“Pooh!” cried Piglet “Do you think it is another Woozle?”

“No,” said Pooh, “because it makes different marks. It is either Two Woozles and one, as it might be, Wizzle, or Two, as it might be, Wizzles and one, if so it is, Woozle. Let us continue to follow them.”

Winnie-the-Pooh et son copain Piglet suivent des traces de pieds (de pattes)… qui sont les leurs. Cet exemple montre que la célèbre scène de Dupond et Dupont dans Tintin et le Crabe aux Pinces d’Or (1940-1941) est plus ancienne qu’on ne pense, car A.A. Milne l’a écrite quinze ans plus tôt (1926) dans le chapître 3 de son Winnie-the-Pooh.

En langue savante, ce que montre A.A. Milne avec Winnie-the-Pooh (et plus tard Hergé avec Dupond et Dupont) s’appelle le biais cognitif de confirmation, conceptualisé en 1960 par le psychologue britannique Peter Wason (1924-2003). L’esprit humain privilégie les informations qui confortent ce qu’il pense — ici: nous sommes sur le bon chemin —, et rejette les informations contradictoires.

L’imagination de l’écrivain (Milne) et du dessinateur de bédé (Hergé) a précédé les travaux du chercheur scientifique (Wason). Ici, c’est un des artistes (Hergé) qui a le mieux su populariser l’idée — ses dessins sont célèbres —, le nom Wason et le terme biais cognitif de confirmation sont réservés aux sachants. Mais dans d’autres cas, c’est la créativité anticipatrice des artistes qui est méconnue, visionnaire et précurseur de ce que des scientifiques ont découvert et (dans un certain sens) popularisé des décennies, voire des siècles plus tard.
Ce texte donne trois exemples (peut-être que j’en trouverai davantage), avec Thoreau (la vitesse généralisée), Balzac (l’automobilité) et Steinbeck (la classe créative et la gentrification).

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